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1954 -1964 : Chapitre 6

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1954 - les Paris sont ouverts

Bons est devenu trop petit, trop excentré et l’outil de travail atteint ses limites. René, qui voit grand et moderne, mise à présent sur Annemasse et débute alors la construction des Nouvelles Caves Duvernay au lieu-dit « Le Châtelet ». René parie sur des cuves en ciment vitrifiées et isolées par une double couche de liège, une technologie proposée par les établissements Borsari (Italie) qui permet une meilleure conservation des jus. René n’investit pas que dans les cuves, dans le hall d’accueil des futures « Caves du Chatelet » il installe tout le matériel de vinification dernier cri, des systèmes de treuil pour les bennes à vendanges, des égrappoirs, des fouloirs, et autres pressoir et cuves à marc, bref, rien n’est laissé au hasard pour mettre sur pied un outil de travail redoutable. Même l’arrêt du chantier, suite à la découverte d’un ancien puit romain à plus de 10 mètres de profondeur, ne suffiront pas à entamer l’enthousiasme suscité par ce nouvel horizon, rien n’arrête le Grand Père.

L’hiver 1956 sera extrêmement rigoureux avec un thermomètre affichant les  -25 degré durant plus de 3 semaines d’affilées. Le lac Léman est gelé et sert de patinoire aux  enfants d'Evian, et les arbres bordant le lac deviennent alors de véritables statues de glace et si Roger, lui, s’extasie devant ce spectacle féérique, René, de son côté, déplore une activité du négoce au point mort. Tout se transforme en glace, de l'eau utilisée dans les tonneaux pour les mettre à " bon goût "  jusqu’au vin stocké à l’extérieur dans des cuves de 50 hl.

1957 - Roger et le charme de Paris

Du haut de ses 17 ans, et le brevet en poche, il prend le chemin de Paris pour rejoindre son frère et étudier, comme lui, à l’école des Vins & Spiritueux. Ils se partagent une « chambre de bonne » de 9m2 avec tout le confort sur le palier. Leur mère, Simone, éclatera en sanglot (lors d’une de ces rares visites à Paris), en voyant dans quelles conditions vivaient ses deux garçons. Mais pour Roger, la vision est toute autre, il se familiarise très vite et avec gourmandise. Paname fascine le « Petit savoyard », ici les sommets sont la Tour Eiffel, l’Arc de triomphe, ou La Défense alors en pleine construction, les petits ruisseaux de monatgne sont remplacés par une Seine où naviguent les Bateaux Mouches, les étroites routes de la Yaute sont remplacées par un boulevard périphérique en pleine construction, les bals de villages sont à présent des scènes où brillent Tino Rossi au Chatelet, Brassens à l’Olympia et les chansonniers du coté de République. Ici, surtout, il n’y a plus de René, de business familial,  de sollicitations de tous les instants, de prises de becs incessantes, de sentiment de cloisonnement, Roger vit et rêve en grand sans entrave.

 

1959 - Roger et le charme de la Parisienne.

En aout, à 6 kms de Bons, le Bal Champêtre de Cervens s’apprête à battre son plein. Roger ne le sait pas encore mais cette jeune femme aux formes généreuses, au joli sourire et dansant si bien cette nouvelle danse appelée le « Rock » va bientôt entrer dans sa vie. Marie-Françoise, dite Françoise ou la Foueze, bref disons la parisienne, passait tranquillement ses vacances avec ses sœurs et ses parents aux " Charmottes d'en haut » chez la famille Longet, à Bons St Didier. Du haut de leur 19 et 17 ans respectifs, ils passent une soirée mémorable et dès le lendemain, une petite visite s’impose pour Roger et même si fin août les vacances sont déjà finies et que la parisienne s'en retourne à Paname, très vite le courrier remplaça les visites et la promesse de se revoir. L’année suivante, Roger et ses conscrits programment un Voyage à Venise avec la Dina Panhard de Paul Lavy. La tentation est trop forte, ils feront un « léger détour » par Paris pour embrasser furtivement la parisienne, ce qui provoquera l’étonnement de René. 

« Incroyable… mon fils... passer par Paris pour aller à Venise ?! »

 

1961 alors que Roland est parti pour 24 mois en Algérie, à Bons, la cohabitation devient très difficile entre père et fils. René ne veut pas entendre parler de bouteilles, et ne mise que sur les tonneaux, ce qui force Roger à aller acheter en douce des bouteilles chez  Dupeissey de Rumilly pour répondre à la demande des clients. Bouteilles qu’il cachait puis lavait ensuite chez son voisin, le limonadier François Diébolt. C’est une période très difficile pour Roger, bon nombre de ses amis sont incorporés sous les drapeaux, la solitude le gagne et l’ambiance au négoce n’arrange rien ? Heureusement il peut compter sur Maurice qu’il embarque à bord de l’Alpine « A410 » pour un séjour furtif à Paris, le temps d’embrasser Françoise, d’un diner au pied de Cochon et d’un spectacle aux Folies Bergères ne laissant pas Maurice indifférent... grandiose !

 

1962 Roger, Paris risqués

A Bons St Didier, le cœur n’y est plus, et pour Roger, il devient urgent de partir. A l’insu de ses parents, il se rend à Annecy et s'engage pour 24 mois dans l'armée, ce jour-là, il rencontre Marcel Burel et ensemble, ils feront leurs classes à Montbéliard puis ils seront envoyés en Allemagne. Roger se découvre vite un tempérament de meneur et s’acquitte avec zèle, des tâches confiées. Très vite il se met les gradés dans la poche et il devient l’heureux habitant d’une chambrée spacieuse avec 2 collaborateurs "choisis sur mesure " Pierrot et Guy mais également un chat et des rideaux en dentelles aux fenêtres !  René le constatera, non sans fierté, lorsque, bien décidé à faire la paix avec son fils, il débarqua un jour à la caserne avec Françoise, qu’il avait pris soin d’aller chercher à Paris au préalable, pour persuader Roger de rompre son engagement de 24 mois et de rentrer au pays. René il était prêt à tout !

 

1963 Paris Paris

Roger utilise ses rares perm pour se rendre de Trèves à Paris pour voir sa dulciné. Un soir, alors qu’ils dinent ensemble, il lui relate la Big News du moment, la demande en mariage de son ami Jean à Marie-Eve , et pour lui, l’occasion est trop belle, il enchaine aussitôt 

Roger :  « Et nous c'est quand ? »

Ce soir-là, c’est lui le Roi des demande en Mariage à la table de Charlot, le Roi des Coquillages !

Françoise (avec enthousiasme) : « C'est quand tu veux ! »

Leurs fiançailles sont célébrées à l'hôtel des « Princes » à Amphion,  René est ravi de cette union. Il se plait à répéter que pour avoir des beaux veaux il faut croiser les races ! donc un savoyard et une Parisienne  c'est super, ça fera de beaux enfants !

Il ne reste plus qu’à caler la date du mariage, René pose alors 3 conditions :

Que le mariage se célèbre en janvier, car le commerce fonctionne au ralentie en cette période

Qu’il se déroule en Haute-Savoie et en plein air (et non à Paris comme l’aurait voulu l’usage)

Qu’il s’organise un lundi car c’est un jour de congés de l’entreprise

René, il est aussi pragmatique que commerçant

 

1964 Paris records

Belle année pour la fratrie Duvernay, Roger et Françoise se marient et partent en Alpine sillonner les routes montagneuses d’Autriche pour leur voyage de noce, Roland accueille son 1er fils « René » et Jocelyne se marie en mai, et c’est une très bonne année pour les vins. En septembre, René, Roland et Roger se lancent le pari fous de remonter plus de 800 000kg de raisin du sud et de les vinifier au sein des Caves du Chatelet (fraichement opérationnelles). René, parti en repérage dans le midi, sélectionne les plus belles parcelles, ce qui permet à Roger, accompagné d’un second chauffeur, de commencer un cycle de 3 semaines d’Aller/Retours non-stop, de jour comme de nuit, en camion et remorque. Aux caves du Chatelet, Roland et le caviste Claude Peyaud réceptionnent le raisin et procèdent à la vivification, dans la foulée. Ainsi va naitre le fameux - Vin Blanc  12%  "Du Verre Nait la Gaieté " – en bouteilles « litre 6 étoiles » conditionnées en casier bois de 12 trous peint. La peinture a son importance, les casier était logotés « Duvernay » sur les 2 faces mais les côtés étaient peint en jaune vif car René qui voulait avoir les plus beaux casiers ne voulait surtout pas se les faire piquer par la concurrence, alors le jaune vif, sur les côtés, forcément ça marque ! A l’issu de cette épopée « Salaire de la Peur », Roger partira se coucher pour la première fois depuis 3 semaines y dormira 36 heures d’affilées.

Pour l’anecdote, lors d'un de ces nombreux allers-retours dans le midi, un jour, Roger reçoit un coup de téléphone de Françoise. A peine raccrocher, il remonte dans le camion, débordant de joie et se met à zig-zaguer de bonheur avant de déborder en sortie de route. Ce sera le seul Hic technique de cette épopée viticole, mais Roger, lui, ce qu’il retiendra, c’est l’annonce folle qu’il venait d’apprendre, il allait devenir papa, mais ça, c’est au prochain épisode !